Crypte aux murs humains

Magnus avait attendu pendant quelques instants Hana dans la crypte, et il se demandait si elle allait venir. En effet, elle avait vu suffisamment d’horreur ce soir pour avoir peur de rester seul avec le jeune homme, mais il pensait qu’elle aurait des questions à poser. D’ailleurs, ce dernier ne se trompait pas, car après quelques secondes, la jeune maman entra dans la pièce, avec sa petite fille toujours sous le choc de ce qu’elle venait de subir. Cette dernière semblait avoir perdu toute réaction quant au monde extérieur, et même sa mère ne parvenait plus à la faire réagir… Autant mourir lorsque l’on en est à ce point.
Appuyant sur un interrupteur situé juste à côté de celui allumant la lumière, Magnus ordonna la fermeture des portes géantes qui se refermèrent dans un grand fracas. Désormais, Hana était seule avec lui, dans la pièce géante, d’où seule Masa était ressortie pour le moment. S’approchant ensuite d’elle, il posa les mains sur la fillette et regarda la jeune mère dans les yeux… Celle-ci ne laisserait sûrement pas Magnus emporter son trésor aussi vite, mais il pensait qu’elle ne devait plus avoir autant de force après avoir autant pleuré et s’être blessée. C’est pourquoi il prit la gamine dans les bras sans se préoccuper réellement de ce que voulait la mère de cette dernière. Examinant Misuzu, il vit l’étendu des dégâts d’un peu plus près : Le doigt cassé, le bras broyé, les cheveux en bataille, pas étonnant qu’elle soit encore sous le choc ! Décidemment, Kunotso n’était pas allé de main morte.

*Ainsi donc, voilà ‘Misuzu’… *

Magnus avait reconnu la jeune fille aux travers des souvenirs d’Harima, et un léger sentiment de nostalgie l’envahit alors, car lorsqu’il la regardait, il ne pouvait s’empêcher de penser à la Misuzu qu’ils avaient tout deux connu. Mais des souvenirs restaient de simples souvenirs, et c’est pourquoi il se dirigea vers la porte se trouvant tout au fond de la pièce. Mais avant de la franchir, il parla tout de même à Hana pour lui indiquer de l’attendre quelques minutes.

« Je reviens dans peu de temps, donc ne sors pas d’ici… Cette fillette semble être ma nièce, j’ai par conséquent des droits sur elle aussi. »

Sans un mot, sans se retourner, le jeune homme entra dans la seconde pièce, plus petite. Qu’a-t-il pu y faire ? Personne n’était en mesure de le savoir… Après tout, s’il avait vécu ici pendant des années, il y avait de forte chance pour que sa chambre se trouve là bas.
Toujours est-il que quelques minutes après, lorsque Magnus réapparu enfin, il semblait s’être régénéré quelque peu, et s’avança vers Hana, en lui tendant quelque chose… Il s’agissait des vêtements de Misuzu, ce qui allait de la petite veste à la petite culotte même de la fillette. Prenant la main de la jeune mère, il déposa ces derniers objets pour ensuite reculer de quelques pas, sans un mot, et sans même dire ce qu’il était advenu de Misuzu. Après tout, il y avait plus important à faire. C’est d’ailleurs pour ces choses que le jeune homme avait fait venir Hana dans cette pièce :

« Je t’écoute, tu as sans doute des questions n’est-ce pas ?… »

Baissant la tête de sorte à ce que des mèches de cheveux lui cachent le visage, il la releva enfin et regarda Hana en lui adressant la parole. Pourtant, le reflet de ses yeux avait changé, comme si sa personnalité elle aussi avait été modifiée.

« … J’essaierai d’y répondre, du mieux que je pourrai. »

La chose la plus surprenante dans ce qui venait de se passer était le fait que la voix qui venait de se faire entendre n’était pas celle que Magnus avait utilisé jusque là. Non, celle-ci s’était fait connaître aux oreilles d’Hana depuis beaucoup plus de temps, car elle n’était autre que celle d’Harima, ce qui était une des preuves de ce qu’il avait affirmé jusque là…

Et voilà, la porte venait de se refermer avec un bruit sourd. Hana se trouvait maintenant seule avec le jeune homme à la seule exception de Misuzu. Même la Chevalière qui semblait aux ordres de Magnus avait quitté la pièce... Hana se sentait seule et désarmée, et elle avait bien raison, la preuve ne tarda pas à arriver car elle fut incapable de répliquer quand l'homme lui retira sa fille des mains.

"Noooooon!"

Mais alors qu'elle criait, il quittait déjà la pièce avec la petite, prétendant avoir un quelconque droit sur elle. Hana serra le poing avec rage. À quel droit pouvait-il bien prétendre, lui qui disait avoir mangé le père de cette fille et était responsable de la torture dont elle avait été victime... Mais pour qui il se prenait!? Cependant, la colère d'Hana grimpa encore plus lorsque Magnus revint sans sa fille ne lui rapportant que ses vêtements qu'il lui donna en main, même ses sous-vêtements... Elle les lâcha... Et le regarda fixement, n'arrivant pas à y croire. Misuzu... Mais où...?

« Je t’écoute, tu as sans doute des questions n’est-ce pas ?… »

Des questions? Bien sûr! Elle en avait même des nouvelles! Alors que Magnus baissait la tête elle ne put se retenir de crier:

"Ma fille!? Où est-ce qu'elle est? Qu'est-ce que vous lui avez fait!?"

Mais alors que des larmes de rage lui étaient montées aux yeux et qu'elle levait la main en s'apprêtant à giffler le jeune homme, il releva la tête et parla à nouveau. Elle s'arrêta net dans son geste.

*Harima-chan....?*

De sa main elle caressa le visage du jeune homme, avant de reprendre ses esprit et reculer d'un pas, main posée sur sa bouche.

"Que... Ha..arima-chan, pourquoi? Alors ce.. Ce n'était pas des.. mensonges..?"

Hana se sentait toute ... Perdue... Ce ne pouvait pas vraiment être Harima, mais elle avait l'impression que si... Sa confusion allait jusqu'à lui faire oublier Misuzu, et elle frémit lorsque le jeune homme lui caressa la joue à son tour. C'était pourtant sa voix, la voix d'Harima... C'est la raison pour laquelle elle se laissa enlacer sans répliquer. Elle restait passive à cause du trouble qui régnait dans ses idées, mais elle se laissa faire et alla jusqu'à s'aggriper aux manches du vêtements du jeune homme et fermer les yeux dès qu'il commença à se faire plus entreprenant.

« Hana.. Depuis que notre maison a été détruite, on ne l’a pas fait… C’est sans doute l’une des dernières fois que nous en aurons l’occasion.. »

Elle se sentait bien, contre lui, elle avait chaud... Ca lui avait manqué, ou plus généralement Harima lui avait tellement manqué... Elle ne put que murmurer dans un souffle, qui avait presque quelque chose de plaintif:

"Harima-chan..."

Elle avait vraiment envie de s'abandonner dans ses bras et répondre à ses caresses, mais elle sentait en même temps une barrière qui la retenait. Est-ce que c'était vraiment lui? Sa voix... S'il faisait partie de Magnus, il pouvait très bien réapparaitre dans le corps de ce dernier, ça paraissait plausible, non? Mais comment en être sûre? Cependant, une autre peur lui vint à l'esprit, un détail qu'elle venait tout juste de relever et elle ajouta dans un autre murmure sur le même ton que le précédent:

"..Dernière..fois..?"

Décidemment, le jeune homme avait vu juste, car Hana ne s’était pas débattu, loin de là, car elle s’était totalement laissée faire. Sentant que s’il le voulait, il aurait pu commencer l’acte d’amour, la jeune Schiff semblait succomber à l’amour, et commencer même à pousser de légers soupirs en parlant.
Néanmoins, avant qu’il ne puisse faire ne serait-ce qu’un geste de plus, elle posa une question qui semblait l’avoir perturbé à Magnus. Celui-ci resta alors muet quelques secondes, puis se dégagea d’Hana, pour mieux la regarder.

« Eh bien, je suis plus vraiment de ce monde, mais cela m’importe peu, car je veux atteindre la puissance rapidement… Même si cela implique des sacrifices… Comme Misuzu. »

Finissant de parler avec un sourire aux lèvres, Magnus –ou Harima- émit un léger rictus, comme si ses paroles avaient été évidentes depuis le début. Après tout, cela importait peu maintenant… Cet être se fichait maintenant de ce que désirait cette fillette, ou même la mère de cette dernière.
Ceci dit, il posa tout de même sa main sur l'épaule d'Hana, et la regarda avec le même regard qu'il avait pendant le combat, décidemment, quelque chose n'allait pas. Le jeune homme prit quand même la parole, en remuant le couteau dans la plaie.

« Et toi, serais-tu capable de me sacrifier pour pouvoir vivre? Après tout, il semblerait qu'avec ce Pablo, tu puisses avoir une vie heureuse... »

Le ton avait été dédaigneux, car ill savait, non, il espérait la voir douter sur ce point, après tout, ça avait été ce geste qui avait tout déclenché, la découverte à travers la caméra, le pacte passé avec Magnus, et...

Hana qui se sentait si bien, si légère, eut tout d'un coup l'impression d'être seule et abandonnée quand celui qu'elle prenait pour Harima la lâcha. Elle avait dit quelque chose de mal? Elle l'avait blessé? En même temps, les paroles qui suivirent la pétrifièrent et elle se reprocha ce qu'elle avait manqué de faire.

« Eh bien, je suis plus vraiment de ce monde, mais cela m’importe peu, car je veux atteindre la puissance rapidement… Même si cela implique des sacrifices… Comme Misuzu. »

Si elle avait tué le désir qu'il venait de manquer de concrétiser, lui venait aussi de tuer son désir à elle. Misuzu... Non ça ne pouvait pas être Harima, il n'aurait jamais parlé de leur fille ainsi!? Lui revint d'ailleurs en mémoire la scène où il avait emmené la petite, qu'avait-il bien pu lui faire...?
De fait, quand il posa la main sur son épaule, la schiff eut un geste pour se dégager. En entendant ce qu'il prononça ensuite elle le regarda un instant avec un regard triste avant de baisser la tête. Était-ce vraiment la voix d'Harima qui lui parlait..? Elle ne savait plus, mais elle était sûre d'une chose...

"Alors c'est ça que tu penses...?"

Elle se sentit soudain si lasse... Elle avait si peu le courage de continuer à exprimer sa pensée qu'elle faillit s'arrêter simplement de parler. Mais ç'aurait été une solution de facilité, et elle devait mieux que ça à Harima. Aussi se décida-t-elle à déployer tous ses efforts pour relever la tête vers lui. Elle avait les yeux mouillés mais sans pleurer vraiment, elle était juste au bord des larmes.

"Pablo m'a avoué qu'il m'aimait, il m'a embrassée, j'ai été surprise, mais je.. Je l'ai répoussé. Je l'aime beaucoup mais c'est un ami.. Rien de plus... Harima-chan... Je pensais que tu savais que.."

Sa voix se fit chancelante, tellement de sentiments se trouvaient mêlés en elle... Elle ne les reconnaissait même plus, n'aurait pu les nommer, dire ce qu'elle ressentait exactement...

"C'est toi que j'ai aimé, que j'aime et que j'aimerai toujours, personne d'autre... J'aurais tellement voulu.. T'épouser... Je ne te sacrifierais jamais pour moi, je mourrais pour toi..."

Le visage surprit, Magnus observait Hana. Cette dernière avait voulu se dégager de sa main, et baissa la tête lorsqu’il prononça la phrase fatidique, celle qui insinuait que cette situation était de la faute d’Hana. Pourtant, contrairement à ce qu’il pensait, la jeune Schiff resta très calme, et parla, les larmes aux yeux. Ce fut par ailleurs la dernière phrase que prononça Hana qui laissa Magnus interloqué.

"C'est toi que j'ai aimé, que j'aime et que j'aimerai toujours, personne d'autre... J'aurais tellement voulu.. T'épouser... Je ne te sacrifierais jamais pour moi, je mourrais pour toi..."

Laissant les mèches tomber sur son regard, on pouvait néanmoins observer un changement au niveau de ses lèvres, un changement radical même. En effet, le jeune homme souriait, non pas d’une manière perverse ou cruelle comme les fois précédentes, mais d’une façon franche… Regardant cette fois-ci Hana dans les yeux, il plongea son regard dans le sien, avant d’ajouter avec sa véritable voix cette fois:

« Héhé… Je comprends pourquoi il t’a choisi maintenant. »

Sachant pertinemment que cette phrase ne signifiait rien, ou que les mots ne suffiraient pas, Magnus prit la main d’Hana pour la tirer doucement vers lui, presque tendrement même. C’est ainsi qu’il pu l’amener à la dernière porte de cette dernière pièce, la regardant d’un air confiant, il tourna la poignée pour entrer dans la salle encore inconnue de tous à part lui.
Oh bien sûr, il était conscient qu’Hana puisse ne pas être rassuré, mais il venait de prendre sa décision quant à son prochain acte, et c’est pourquoi il chercha à tâtons un interrupteur situé sur le mur de droite en entrant… Un peu plus à gauche, un peu plus en haut… Ca y est !

« Je te prie de m’excuser pour les paroles que je viens de dire, mais je voulais être sûr que la personne choisie par mon petit frère était réellement digne de confiance. »

Pourquoi ces mots ? La jeune Schiff ne tarderait pas à le savoir… Car alors qu’un *clic* se fit entendre, de gigantesques lampes s’allumèrent au plafond pour… dévoiler de non moins impressionnantes cuves. Toutefois, le plus important n’était pas ces dernières, mais plutôt leur contenu ; en effet, on pouvait y voir flotter une personne par citerne en verre, qui n’étaient autre qu’Harima et Misuzu. Ces derniers étaient complètements nus, mais malgré le fait qu’ils étaient plongés dans un liquide jaunâtre, des bulles d’air indiquaient qu’ils étaient tout deux vivants.
Sentant qu’il devait cette fois-ci commencer son explication, Magnus prit enfin la parole, en essayant d’éviter du regard les yeux d’Hana. Après tout, il n'était pas habitué à le faire comme Harima...

« C’est une sorte de bouillon de culture… Avec ça, même une Chyroptéra bébé n’ayant pas encore atteint un âge suffisant se voit régénérée, même si ça ne remplace pas le sang. En d’autres mots… Ton mari et ta fille sont tout deux vivants. »

Affichant un sourire moqueur, Magnus repensa à l’effroi de Kunotso lorsque celui-ci avait apprit pour la ‘mort’ d’Harima… En effet, il l’avait pourtant prévenu non ? Il aimait la perversité… La différence était qu’il n’avait pas précisé envers qui… Après tout, lui, dévorer son frère ?
Mais bien vite, le sourire qui s’était montré s’effaça bien vite en repensant aux derniers évènements, et c’est pourquoi, sans prévenir, le jeune homme s’agenouilla, pour poser sa tête contre le sol, comme le faisait les anciens japonais pour implorer la clémence d’une personne.

« Pardonne-moi, je n’ai pas d’excuse pour le comportement que j’ai eu ! »

Oh, il avait mûrement réfléchi depuis tout ce temps, surtout au cas de Misuzu à vrai dire. Car dès l’instant où elle fut torturée, Magnus s’était demandé quoi faire… Après tout, contre deux Chevaliers prêts à sacrifier la vie d’une enfant, il avait été obligé d’adopter une attitude froide. Pendant un instant, le jeune homme avait même pensé à réprimander Hana pour son manque de discernement… Après tout, si des Chevaliers étaient apparu, son premier geste aurait dû être de mettre la petite en lieu sûr, et ce, même si Harima était introuvable. Mais cela aurait été futile… Sans doute y avait-il moyen de les sauver toutes, sans blesser Misuzu, mais sur le coup le jeune garçon n’avait pas vu d’autre solution que l’intimidation. Même s’il n’avait jamais tué l’un de ceux dont il avait donné le nom.
C’est pourquoi, même après avoir dévoilé sa vraie nature, et même après avoir rendu à Hana les êtres qu’elle chérissait, le jeune homme était allé jusqu’à implorer le pardon de celle qu’il avait en face de lui.

Après avoir prononcé sa réponse, Hana avait continué à fixer Magnus. Ce n'est pas qu'elle espèrait encore quoi que ce soit, elle venait de perdre ses derniers espoirs, mais elle ne savait pas trop où regarder d'autre. Elle venait de livrer tous ses sentiments pour Harima, sans même savoir qui était vraiment en face d'elle... Elle se sentait toute démunie.. Mais elle eut la surprise de voir le jeune homme en face d'elle se mettre à sourire, et d'une manière bien différente de ce qu'elle avait vu jusque là. Elle ne comprenait pas pourquoi, et la phrase qu'il prononça ne l'éclaira pas plus. Cependant il l'entraina doucement avec lui comme s'il tenait à lui montrer quelque chose. Son comportement avait changé, et bien que toujours aussi décontenancée, Hana était maintenant intiguée, aussi le suivit-elle sans protester. Après tout elle pensa que même si elle n'était pas sûre de lui faire confiance, elle n'avait plus grand chose à perdre.
Apparement il faisait tout noir dans la pièce où il l'emmenait et elle ne comprenait toujours rien à ce qu'il cherchait à lui expliquer. Soudain les lumières s'allumèrent et elle fut aveuglée par la lumière. Lorsque ses yeux s'habituèrent tout doucement, elle put commencer à distinguer ce qui se trouvait dans la pièce.

"..."

Elle ne sut que dire. Elle se trouvait sans voix, c'était au dessus de tout ce qu'elle pouvait encore oser imaginer. Son mari, sa fille, vivants tous les deux.. Elle entendait Magnus lui expliquer les vertus du traitement apparement destiné à les régénerer. Elle sentit une immense joie monter en elle. Son mari était là, vivant, et sa fille se soignait des horribles blessures qu'elle avait dû endurer. Ce furent des larmes de joie, de soulagement qui lui vinrent aux yeux cette fois. En essuyant ces larmes du revers de son bras elle se dit qu'elle était décidément bien trop sensible. Cependant, à cette euphorie vint se mêler un petit sentiment de culpabilité pour avoir si mal jugé ce jeune homme, son futur beau-frère après-tout. Elle n'était pas au bout de ses surprises d'ailleurs car elle vit Magnus se prosterner devant elle pour lui demander pardon. Plutôt mal à l'aise, elle s'agenouilla et passa sa main dans les cheveux du jeune homme avant de les ébouriffer affectueusement.

"Gros bêta! Bien sûr que je te pardonne... Je suis désolée d'avoir eu une si mauvaise opinion de toi... Mais.. Je n'aperçois que je ne connais toujours pas ton nom..."

Elle jeta un regard rêveur vers la cuve où se trouvait son mari et elle se surprit à rougir.

"J'aurais voulu savoir .. Comment est-il arrivé ici? Quand est-ce qu'il pourra sortir? Et Misuzu?"

Quelques secondes peuvent rapidement devenir une éternité lorsque l’on attend une réponse avec appréhension. C’était exactement ce qui arrivait à Magnus, qui était toujours agenouillé, à attendre la réaction d’Hana. C’est pourquoi, lorsque cette dernière posa la main sur la tête du jeune homme, ce dernier pensa qu’elle allait lui tirer la tête par la chevelure, ou autre chose du même registre, mais il n’en était rien… En effet, la jeune Schiff lui ébouriffait affectueusement les cheveux, et celui-ci n’en revenait pas. Quoique… Si, en réalité, il devait s’en douter, au fond de lui-même, car après tout, c’était la future femme de son frère.
Mais le plus étonnant vint quand cette dernière lui demanda son nom, c’était la première fois que quelqu’un le faisait depuis son arrivée dans le monde extérieur, et il s’apprêta à répondre avec enthousiasme.

« Mon nom? Mon nom ! Je m’appelle Har…
…
Ma-Magnus est mon nom de code… Oui c’est ça… »

Il s’était rattrapé au dernier moment, non sans une certaine déception dans sa voix, mais bien vite, la jeune femme s’intéressa aux cas de son frère et de celui de Misuzu. Lorsqu’il comprit combien elle s’inquiétait pour eux, le jeune homme se redressa pour s’asseoir à même le sol. Il pointa alors le doigt sur Misuzu en ajoutant :

« Elle, elle pourra sortir assez rapidement, dès que son bras se sera régénéré, mais c’est plus pour son mental que j’ai peur… Quant à ton mari… »

Fermant les yeux, Magnus semblait réfléchir intensément quant à la réponse qu’il pourrait donner. En vérité, au point où Hana en était, il lui était impossible de comprendre pourquoi Harima était dans cette cuve, sans connaître toute l’histoire… Il faut savoir qu’en temps normal, le jeune homme n’aurait jamais parlé de tout ça sans l’accord de son frère au moins, mais après tout ce que venait de subir la jeune Schiff, il sentait qu’il devait le faire..
C’est pourquoi il conseilla à Hana de détacher son regard du corps nu d’Harima et de s’asseoir. En effet, lui-même ne savait pas vraiment comment résumer tout cela.

« Ce que j’ai dit tout à l’heure n’était qu’un demi mensonge quant à la mort de mon frère, en fait, ce n’est pas moi, mais bien lui qui m’a tué… »

Cette anecdote était plus embrouillant qu’autre chose et c’est pourquoi il décida de commencer par le commencement. Prévenant Hana que le récit risquerait d’être long, le regard du jeune homme se perdit dans le vide alors qu’il rassemblait ses souvenirs..

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Une pièce, non, la même pièce où était Hana et Magnus en vérité, à la différence près qu’elle était remplie de monde, des scientifiques écrivant sur leurs bloc-notes, allant de vieux sages à de jeunes apprentis. Mais le plus important dans cette scène était ce qu’ils observaient avec attention : Trois jeunes fœtus placés dans trois cuves plaquées comme ce qui suit : Sujet 354 type SC, Sujet 267 type UC, Sujet 133 type SE. Mais ce que ces personnes ne savent pas, c’est que deux de ces sujets d’expériences seront plus tard appelés ‘Harima’, et ‘Magnus’… Un autre détail alarmant de cette scène est une sorte de container placé à l’écart, et qui contient lui aussi des fœtus, mais aussi des adolescents, sous forme de cadavres… Mais cet acte morbide n’indispose en aucun point l’un des protagonistes présents. Ce dernier semble être le maître penseur du groupe, et ses yeux regardent sans sentiment particulier ceux qu’il peut considérer comme ses ‘enfants’.

Quelques années ont passé, et voilà que les trois êtres minuscules étaient devenu des garçonnets assez mignons. En ce temps là, le manoir était encore resplendissant, et nombreux sont les domestiques qui y étaient actifs, pourtant, une pièce leur était interdite. Celle de l’ancien caniveau où seuls certains scientifiques ont accès. Néanmoins, même si les serviteurs peuvent y mettre les pieds, ils seraient surprit d’y découvrir trois garnements s’amusant au milieu de leurs jouets. Ces enfants ne savent pas encore parler, mais les rires peuplent la crypte, la rendant aussi vivante qu’une véritable maison. En effet, ils ne sont pas seuls, et une jeune femme endossant une blouse de scientifique est assise auprès d’eux pour les faire jouer et grandir normalement. C’est son travail, en tant que pédagogue, mais l’ont sent dans son regard et son propre rire qu’elle commence à s’attacher à eux. Ces derniers ont eux, déjà adopté leur maman, qui ne leur refuse jamais un câlin…
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« Viens, il te faut voir une personne… »

Interrompant son récit, Magnus s’était levé afin de s’avancer vers une zone d’ombre située à droite de la salle. Espérant qu’Hana le suivait, il passa ainsi devant le container d’Eremes, et s’arrêta enfin devant celui qu’il cherchait. Cette cuve était à part, en effet, une douce lumière l’entourait, mais elle n’était pas assez forte pour être vu directement de l’entrée, comme si elle avait été placée ici pour se recueillir.

« Voici, la mère d’Harima, et de moi-même. »

Regardant d’un air grave la personne présente dans la cuve, Magnus désignait une jeune femme qui ressemblait étrangement à la description faite dans son récit, à la différence près qu’il manquait la moitié du corps de la mère des deux enfants. Néanmoins, cela ne voulait pas dire qu’elle souffrait, non, c’était comme si cette personne s’était profondément endormie en attendant le jour de son réveil…
Néanmoins, avant qu’il ne puisse continuer son histoire, une sonnerie se mit en marche, et le jeune homme fit un sourire en coin : Le temps d’incubation de Misuzu était terminé, et il pouvait désormais aller la chercher, ce qu’il fit, à l’aide d’un escabeau. Plongeant les mains dans le liquidus, le jeune homme extirpa la fillette qu’il enroula presque immédiatement dans une serviette, afin de masquer sa nudité. Son bras était maintenant reformé, mais mieux valait ne pas exercer de pression, pour ne pas tenter le diable.
Magnus se sentait bizarre, en restant là, à tenir une enfant dans ses bras, non pas que c’était désagréable, mais plutôt… nouveau pour lui. La chaleur qui émanait du corps de la fillette était semblable à celle qu’il avait connu autrefois, et il s’en sépara à contrecoeur pour la confier à sa jeune maman.

« Veux-tu connaître la suite de cette histoire, ou plutôt, le fardeau de ton mari… ? »

Il lui laissait le choix : Soit elle continuerait sa vie en s’arrêtant là dans le passé d’Harima, soit elle en apprendrait plus. L’un et l’autre avaient des inconvénients, mais aussi des avantages qui étaient tous dans la paume d’Hana.

Hana fut soulagée d'apprendre que Misuzu serait vite sur pied, mais frissonna en repensant à l'état amorphe dans lequel avait été la petite fille... Elle risquait donc de rester ainsi... Quant à Harima, Magnus ne termina pas sa phrase à la grande surprise de la Schiff car il ne lui avait pas semblé qu'Harima ait été blessé gravement avant de disparaitre...
C'est pourquoi, encore toute étonnée, elle s'assit à la demande du jeune homme pour écouter l'histoire qu'il avait à lui raconter, celle de son enfance à lui mais aussi de l'enfance d'Harima, et après tout elle se dit que c'était cela qui l'avait amenée jusqu'en Islande au départ.
Elle écoutait attentivement, quand tout à coup, son futur-beau-frère interrompit son récit pour lui montrer quelque chose.. Ou plutôt quelqu'un. Ce qu'il lui montra était en fait une cuve qui contenait une jeune femme qu'il désigna comme leur mère à lui et à Harima. Bientôt sa belle-mère alors..? Elle était plongée dans un profond sommeil, et il lui manquait la moitié du corps. Bien qu'elle s'interrogeât sur la nature de l'accident qui lui avait valu d'être dans cet état, elle sentit dans son esprit se former une grande reconnaissance pour cette femme qui avait élevé Harima-chan, et son frère qui même s'il avait dans un premier temps été antipathique à Hana, lui devenait maintenant de plus en plus sympathique.
Elle s'apprêtait à questionner Magnus plus amplement, quand une sonnerie retentit. C'était le genre de bruit qui effrayait Hana en mettant ses sens en alerte, mais le sourire en coin qu'elle perçut sur le visage du jeune homme la rassura et elle le regarda aller sortir Misuzu de la cuve. Sa joie s'accentua quand elle put enfin tenir en main sa fille, apparement en bonne santé et remise de ses blessures. Le fillette se frotta les yeux avant de regarder autour d'elle d'un air étonné.

"Maman, j'ai fait un cauchemar...?"

Elle fixa tout de même Magnus d'un regard emprunt de curiosité, car les êtres apparaissant dans les rêves n'étaient pas censés apparaîtrent aussi dans la réalité. N'ayant pas le courage de tout lui expliquer, alors que de toute façon façon elle n'était pas sûre que la petite fille puisse tout comprendre, Hana lui dit simplement:

"C'est ton oncle, Magnus"

La petite fille s'agitait déjà dans ses bras, aussi la posa-t-elle à terre après lui avoir attaché la serviette autour de la taille à la manière d'une petite robe et l'avoir mise en garde de ne toucher à rien et de ne pas s'éloigner.
Magnus lui proposa alors la suite de l'histoire. Était-ce vraiment si terrible qu'elle aurait pu ne pas vouloir savoir? Mais cela lui importait peu, s'il était question d'Harima elle était intéressée et elle tenait à connaître la vérité.

"Oui, évidemment je souhaite savoir."

Magnus retint sa respiration lorsque Hana apprit à sa fille qu’elle avait soudainement un oncle. Mais plus encore, cette nouvelle le prit au dépourvu, car lui-même avait toujours un peu de mal à le croire... Ca y est, le jeune homme avait une nièce ! C’est d’ailleurs en pensant à cela qu’il se demanda quels âges pouvaient avoir les parents de la petite… D’après l’aspect de la Schiff, celle-ci ne devait pas avoir plus de 17 ans physiquement...
Toutefois, il fut tiré de ses pensées par la réponse d’Hana à la question qu’il avait posé quelques secondes plus tôt. Il s’adossa alors à la cuve de la petite, et passa les mains derrière la tête pour repasser en ‘mode souvenir’. Ces derniers n’étaient pas plaisant à se remémorer, mais après tout, cela lui permettait de faire une mise au point quant à son sujet aussi…

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Plusieurs mois se sont écoulés, et les enfants ont commencé à apprendre à parler, comme des garçons normaux en somme. C’était d’ailleurs la jeune femme qui continuait à s’occuper d’eux, et chaque jour, elle ramenait un objet ou une curiosité pour qu’ils puissent ‘connaître’ le monde extérieur. En fait, depuis leur naissance, jamais ils n’ont pu sortir, et ne connaissent que ces murs ornés de visages tordus par la douleur... Mais ces derniers ne sont rien, face au sourire de leur mère. Pourtant, quelques jours plus tard, une violente dispute éclate : Le chef du projet est venu se rendre compte de la situation quant aux cobayes, et cette femme regrette de plus en plus d’y être pour quelque chose. Néanmoins, les voix s’élevent lors l’homme parle d’en arriver au stade final...
Ce fut la première fois que les trois enfants voient celle qu’ils chérissent se mettre en colère, et ils ne peuvent s’empêcher de trembler, voir même de se blottir les uns les autres pour se rassurer. Pourtant, le scientifique fini par en avoir assez et gifle violemment la jeune femme qui se voit propulser quelques mètres plus loin. Presque immédiatement, les trois jeunes enfants accourent, et sont en larmes… Mais même si elle tente de les rassurer, rien n’y fit.
Enfin, ils s’immobilisent tous trois, et regardent l’agresseur de leur protégé de travers, pour la première fois de leur vie, ils connaissent la rage… Mais même s’ils voulent l’attaquer, les garçonnets savent très bien qu’ils ne sont pas de taille. Par ailleurs, leur maman se releve sans un mot et ils accourent dans ses bras.

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« Cette homme… était notre père. »

Faisant un commentaire, Magnus affichait un air de dégoût sur son visage. Car s’il respectait grandement la jeune femme, son père lui, ne trouverait que mépris dans son âme. Toutefois, il continua son discours, en se disant intérieurement qu’il devrait éviter toute perturbation de ce genre à l’avenir.

« Il faut savoir, qu’Harima, moi, et… notre troisième frère n’avons été créé que dans un seul but, celui de compléter un projet, ou plutôt… Le projet Epsilon. »

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Rapport 71 :Le projet Epsilon visait à créer un soldat de premier rang, un soldat Chyroptéra en vérité. Pour cela, plusieurs projets avaient été créés, mais tous avaient échoués : L’individu n’arrivait jamais à survivre jusqu’à maturité, et mourait très peu de temps après que les premiers symptômes de l’échec soient repérés. C’est pourquoi l’entreprise avait adopté une nouvelle direction : Ce ne serait pas un être, mais trois, qui recueilleraient toutes les données. Cette déduction venait du fait qu’une personne ne pouvait retenir trois personnalités différentes, sans subir de dommages…
En vérité, leur nature aussi se devait être différente. C’est pourquoi le premier des sujets avait été basé sur un Chevalier, le second et le troisième eux, étaient des membres à part de la branche Chyroptérienne. Mais alors que les différents groupes de Diva n’en étaient qu’à leur élaboration, ces scientifiques avaient créés des créatures qui ressembleraient plus tard à ce qu’on appelle les Schiffs.

Le jour J fini par arriver d’ailleurs, celui qui marquerait l’utilisation des enfants dans le projet. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi on les sépare de leur maman, et même si cette dernière tente de les rattraper, des gardes du corps l’en ont empêché… Ca y est, de retour dans les cuves où ils étaient nés, elles sont parcourues de câbles, et les garçonnets ne comprenaient pas… Jusqu’à ce que leur père donne son accord pour commencer. Dès lors, de l’électricité se propage dans le liquide, agressant les frêles corps des enfants. Pour eux, la suite n'est qu’une suite perpétuelle de douleurs et d’images sans lien les unes les autres. Un moment même, Magnus cru voir un champ infini rempli de squelette : On venait de leur implanter leurs rôles, Sainte Croix pour Harima, Serviteur Enchaîné pour le troisième frère, et pour Magnus…

Ca y est, tout le monde est parti, et l’on laisse les enfants se remettre de la terrible épreuve qu’ils viennent de vivre. Un filet de salive coule de leurs bouches, et leurs corps inertes ne font pas plaisir à voir. Exposés comme des bêtes de laboratoire, on finira par les libérer quelques heures plus tard. Pourtant, leur comportement a changé, et ils sont maintenant plus proches de l’attitude animale qu'humaine. En effet, on dirait qu’ils ne se reconnaissent même plus, et il n’est pas rare d’en voir un agresser l’un des deux autres. Mais peu importe le vainqueur du combat, car le dernier s’arrangera toujours pour attaquer le restant, par derrière. Ne comprenant même plus l’utilité des vêtements, ils commencent même à maîtriser la transformation partielle en Chyroptéra.
Mais l’un d’eux, -ton Harima-, se fait trop entreprenant, et on décide alors de le séparer de ses frères. Il est donc mené à l’extérieur du caveau, dans le manoir lui-même… Il y restera pendant moins d’une année, vacillant entre la raison et la bête. -D’après ce qu’il m’a dit, il aurait rencontré une certaine Misuzu, qui aurait réussi à repousser son côté bestial.-

Mais il en est une dont cette situation brise le cœur : La jeune femme qui était jadis leur mère, elle n’en peut plus, et ne peut pas accepter que cette situation aboutisse à une catastrophe. C’est pourquoi, une nuit, alors que tout le monde est endormi, elle subtilise les enfants à l’aise d’un pistolet anesthésiant, et les ramène à la salle des cuves. Pourtant, même les garçons ne la reconnaissent plus, et ils la blessent, sans se retenir. Une chance, elle connaît fort bien l’appareil qui avait servit à transférer les données, et pour cause, la jeune femme avait participé à sa création. C’est ainsi qu’elle rajoute des données propres aux enfants, pour qu’ils puissent redevenir, eux même ?...
A Magnus reviendrait la perversité, nécessaire pour survivre en ce monde hostile
Au troisième frère reviendrait la loyauté, afin d'inspirer le même sentiment aux autres et ainsi être protégé
A Harima reviendrait… l’humanité, pour protéger et préserver lui même ceux qu'il choisira.

« Puissiez-vous avoir une vie heureuse mes chéris… »

Ce furent les premiers, et les derniers mots qu’ils comprirent, provenant de leur mère. Car après s’être rendu compte de sa trahison envers le groupe, la jeune femme fut capturée. Mais ce n’est pas tout, car lorsqu’ils reprirent leurs esprits, les trois enfants se sentaient changés, mais plus important encore… Leur maman, où est-elle donc passée ? Fébrilement, ils se mettent à sa recherche, en constatant bizarrement qu’il n’y a plus personne dans les couloirs : sans doute doit-il être trop tard. Mais une porte reste entrouverte, et laisse s’échapper un rayon de lumière. Peut-être était-elle dans cette pièce ? Les pauvres garçons eurent rapidement leur réponse… Car une fois entrée, la vérité est dévoilée au grand jour : Leur mère est là, nue, dans un lit, sans vie… Du sang s’écoule du matelas, et un homme est occupé à se rhabiller, le pire étant l’identité de ce dernier.
En effet, cet personne n’est autre que leur père… Leur père ? Non, un simple scientifique les utilisant comme cobaye ! Un scientifique ?! Non ! Ce n’est qu’un simple bout de viande qu’on se doit de dévorer ??!! Oui c’est ça, un bout de viande !!

~~~

« …. Essaie d’imaginer ce que peut penser un gamin de 5 ans, voyant sa mère se faire violer et tuer sous ses yeux… Par la suite, nous nous transformions tout trois en Chyroptéras de combat, et le manoir ne fut qu’un bain de sang. En fait, nous nous sommes mêmes combattu, mais l’un de nous trois a écrasé les deux autres… C’était ton mari. A ce jour, je n’ai toujours pas compris pourquoi ? Cette histoire, je l’ai apprise à travers des rapports… Mais lui se l’est rappelé entièrement, il est encore sous le choc. »

S’étant assis durant le récit, le jeune homme se releva, dans l’intention de se diriger vers la sortie, mais ses jambes se dérobèrent, et il manqua de tomber, s’il ne s’était pas rattrapé sur Hana. Magnus avait faim… si faim… C’est pourquoi il se rapprocha du cou d’Hana, le souffle haletant, les canines développées, jusqu’à ce que…

« Sais-tu faire des gaufres au sucre ? »

Les gaufres au sucre étaient l’un des repas qu’il affectionnait particulièrement étant petit, et voilà une éternité qu’il n’en avait pas mangé. Mais plus encore, le jeune homme voulait détendre légèrement cette atmosphère pesante, car il restait des choses à dire, mais Magnus parlait depuis plus d'une heure, et la faim le tenaillait.

Hana était restée debout pour écouter le récit de Magnus. Elle entendait avec tristesse toutes les horreurs subient par son futur mari et ses deux frères lors de leur enfance et s'indignait des actes inhumains commis par son père.
De son côté, après avoir gambadé un peu partout dans la pièce, Misuzu s'était assise non loin de son oncle. Elle n'arrivait pas à comprendre tous les détails mais elle hochait la tête l'ai sérieux comme pour faire paraître le contraire. Pour elle, une histoire était une histoire et elle la trouvait intéressante.
Un bon moment venait de s'écouler déjà quand le jeune homme fit une pause dans son récit et se leva en chancelant. Il faillit même tomber mais heureusement se rattrapa à Hana.

« Sais-tu faire des gaufres au sucre ? »

Il avait faim, et c'était compréhensible, ils étaient là depuis longtemps. Hana aussi avait faim, pas de la même façon évidemment, mais Misuzu pour sa part devait être tout aussi affamée que Magnus. Hana répondit en énumérant sur ses doigts:

"Eh bien oui.. Mais il faudrait de la farine, du beurre, du sucre, des oeufs, de la levure, du lait, de la cannelle, de l'huile... Et des accessoires de cuisine, tu as tout ça?"

"Moi aussi je veux des gaufres!"

Misuzu venait de se relever et elle marcha vers Magnus avant de s'accrocher à la manche de ce dernier.

"Je ve.., elle lança un regard timide à sa maman avant de reporter son attention sur Magnus, voudrais la fin de l'histoire tonton!"

Magnus poussa un soupir lorsque Hana lui décrivit tout ce qu'il fallait pour cuisiner ces pâtisseries. Il est vrai qu'il n'en avait goûté qu'étant enfant, et n'avait jamais vraiment réfléchi à ce qu'il fallait pour en faire. Après tout, il ne pouvait pas tout avoir dans l’immédiat, comme à son habitude… De plus, le fait que Misuzu l’appelle Tonton fit craquer son cœur d’adolescent et il résistait difficilement à l’envie de la prendre dans ses bras et de céder à chacun de ses désirs. Mais le jeune homme se contenta de s’accroupir et de lui caresser les cheveux, comme pour la récompenser de s’intéresser à l’histoire de son père, même si elle ne devait pas y comprendre grand-chose.
C’était décidé, les gaufres attendront, au grand désarroi de l’estomac de Magnus. Après tout, autant en finir… C’est pourquoi le jeune homme continua son récit, en incluant cette fois des représentations plus à la portée de la fillette.

~~~

Le soleil se lève sur le manoir, et celui-ci vient de vivre la pire nuit de son existence. En effet, les murs sont tapissés de sang, et nombre de corps jonchent le sol. Même les domestiques innocents n’ont pas échappé au massacre, et un silence morbide s’est installé. Néanmoins, ce dernier est soudainement troublé par un vacarme assourdissant : Celui de murs qui s’écroulent. En effet, deux monstres continuent de se battre dans cet ancien champ de bataille qu’est le jardin arrière de la bâtisse. Néanmoins, l’un d’eux a nettement l’avantage, et l’autre est obligé de s’enfuir… Jusqu’à ce qu’il se fasse attraper et qu’il se retrouve plaqué sur le sol par l’ombre meurtrière. Les instants qui suivent sont teintés de rouge, car le perdant perd son bras et la moitié de son visage est déchiqueté. Toutefois, son sort est profitable au troisième, car ce dernier est sous les arbres, le corps inerte, sans doute mort… Son frère ne va pas tarder à le rejoindre d’ailleurs.
Mais soudain, une petite fille arrive par la porte arrière : Elle a la chevelure blonde et est en pleurs, les pieds teintés de sang. Dès lors, le monstre dominant délaisse sa proie déjà abattue pour se ruer sur la nouvelle arrivante. Mais alors que ses griffes ont déjà pris possession du cou de la fillette, la bête ressent une douleur horrible au crâne… Celle lui indiquant qu’il ne doit pas, non, qu’il ne peut pas tuer cette personne. Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi ?!…
Parce qu’il s’agit de Misuzu.

« Mi.. suzu.. ? »

Oui, la seule capable de retenir la rage d’Harima se fait étrangler par ce dernier… Immédiatement, il lâche celle qu’il aime, et s’écroule sur le sol, agonisant. La bête-homme tente ainsi de redevenir comme avant, et ce, avec réussite. Bien que ce ne fut pas sans mal : En effet, l’enfant maintenant nu et ensanglanté est épuisé, ou plutôt endormi. Son air angélique contraste étrangement avec le décor environnant par ailleurs. Le vainqueur serait donc… Misuzu ?
C’est le cas en effet, mais elle n’éprouve aucune joie… Car elle voit ainsi son ami s’écrouler à ses pieds, et le monstre blessé se relever. Néanmoins, lui aussi arrive à se métamorphoser en humain, et cherche à trouver une solution d’urgence, même s’il est blessé… La crypte ! Demandant à la petite fille de l’aider à transporter Harima, ils y arrivent difficilement, mais au final, le mari d’Hana est sauvé en étant plongé dans le liquidus qu’elle aussi connaît désormais.
Mais plus important encore, Magnus –comme vous l’aviez sûrement deviné- repart alors dans la chambre où le drame s’était produit et constate qu’un des murs s’étaient écroulé sur sa propre mère, écrasant la moitié de son corps. Poussant un cri d’effroi, il interdit à sa nouvelle amie de s’approcher, et s’approche de la jeune maman… pour constater qu’elle est encore vivante. Contre toute attente, il y a peut-être de l’espoir ? C’est avec ce semblant d’avenir que le garçon se transforme une nouvelle fois en monstre, mais n’ayant plus qu’une main, il est obligé de déchiqueter lui-même le corps de celle qu’il aimait… Le bas étant tout à fait broyé.
C’est une course contre la montre, mais Magnus réussit à l’emporter. Néanmoins, alors que les survivants sont pour la majorité sauvés, lui-même n’en peut plus : Il est harassé.

~~~

« Et voilà… Par la suite, je m’endormais pour plusieurs années dans l’une des cellules présentes ici, mais sans pouvoir me régénérer… Je crois que tu as aussi remarqué qu’Harima ne guérissait pas en temps normal, alors qu’il est un Chyroptéra ? »

Laissant sa question en suspens, Magnus s’était avancé vers l’entrée, en ayant regardé une dernière fois sa mère, et prit Misuzu par la main. Espérant que la jeune femme avait maintenant assez confiance en lui pour qu’il prenne sa nièce, ce ne fut que lorsqu’il fut assez éloigné et sur le point de sortir qu’il donna lui-même la réponse à sa propre question.

« C’est pour la simple raison que nous sommes perpétuellement incomplets… Notre troisième frère n’est plus, et même si ‘Eremes’ a été un substituant utile, les données sont incomplètes. Se régénérer en étant incomplet réduit l’espérance de vie, et c’est pour cela… qu’il est aujourd’hui plongé dans ce liquide. »

C’était fini… Presque tout ce que savait Magnus, avait été transmis à Hana. Oh, bien sûr il restait des zones d’ombre, mais lui-même ne savait pas exactement les expliquer, il aurait fallu avoir les trois interprétations, mais hélas… le jeune homme lui-même ne saurait jamais sans doute la vérité.

« Je suis désolé... Mais sa période d’incubation peut varier, et aller de quelques jours à plusieurs années, tout comme dans mon cas… Mais il faudra bientôt partir d’ici, cette salle n'est pas supposée rester ouverte aussi longtemps pour les personnes y séjournant. »

Il venait aussi de donner son verdict, et la conclusion de son discours. Et s’il était sorti de la salle, c’était pour donner le temps à Hana de faire ses au revoirs à son mari, en lui laissant l’intimité nécessaire.

Du fait que Magnus reprit son récit, il sembla à Hana qu'il avait renoncé aux gaufres. Elle en fut désolée mais elle ne pouvait évidemment pas les lui préparer sans les ingrédients nécessaires. Aussi reprit-elle son écoute attentive.
Misuzu quant à elle, eut l'air étonné de ne pas avoir de gaufres mais laissa bien vite son ventre de côté en entendant l'histoire reprendre...

« Et voilà… Par la suite, je m’endormais pour plusieurs années dans l’une des cellules présentes ici, mais sans pouvoir me régénérer… Je crois que tu as aussi remarqué qu’Harima ne guérissait pas en temps normal, alors qu’il est un Chyroptéra ? »

En effet, Hana se souvenait fort bien de l'état qu'avait Harima lors de leur première rencontre. Elle se rappelait aussi qu'elle avait été étonnée par cette anomalie. À vrai dire sa rencontre avec lui était presque son plus ancien souvenir, car elle avait déjà oublié tout ce qui avait pu se passer avant, c'était à partir de là qu'elle avait eu envie de garder des moments de sa vie en mémoire. Quand elle l'avait rencontré... Harima soutenait encore qu'il était un humain normal.. Mais il était déjà si gentil avec elle.. Elle eut un sourire à cette pensée, mais il disparut bien vite aux dernières paroles de Magnus. Alors Harima allait peut-être rester là très très longtemps? Et même si auparavant il avait semblé se régénérer il avait en fait failli... De plus elle n'allait pas pouvoir rester beaucoup plus longtemps près de lui. Cependant, Magnus avait déjà pris par la main Misuzu pour se diriger vers la sortie de la pièce et il ne semblait pas attendre Hana tout de suite. Il lui laissait un peu de temps alors? Elle le regarda sortir et entendit la petite voix toute fière de Misuzu un peu étouffée par la distance.

"Dis tonton, tu as remarqué? Je m'appelle Misuzu comme la petite fille de l'histoire!"

Puis le silence tomba dans la grande pièce et elle alla se placer en face de la cuve contenant Harima. Elle posa ses mains contre le verre glacé et fixa le visage de son bien-aimé. C'était dans ses bras qu'elle aurait voulu qu'il reprenne des forces mais elle savait que c'était impossible.

"Harima-chan..?"

Elle n'avait pas remarqué l'écho qui retentissait dans la pièce lorsque c'était Magnus qui parlait et elle frissonna en entendant se répercuter sa voix.

"J'ai eu si peur, je suis contente de voir que tu vas bien... Quand tu sortiras d'ici tu seras en pleine forme, hein...? Et tu as un bien gentil frère... Oh... Je t'en prie... Je t'attends, j'ai besoin de toi, sors d'ici le plus vite possible! Quand tu iras mieux.. Bien sûr.."

Elle ne voyait pas trop quoi ajouter, elle sentait qu'elle allait finir par le supplier de guérir vite alors que c'était égoïste, les derniers événements, ce qui s'était passé depuis sa disparition, elle n'avait pas l'impression que c'était quelque chose qu'il voudrait savoir, quant à Pablo elle n'avait expliqué qu'à Magnus mais ce n'était pas encore le moment d'en parler avec Harima tant qu'elle n'était pas sûre qu'il l'entende. Aussi ajouta-t-elle simplement:

"Je t'aime Harima-chan..."

Paroles qui lui semblèrent si insignifiantes pour exprimer ce qu'elle ressentait mais elle n'en connaissait pas d'autres. Elle tourna ensuite les talons pour sortir de la salle, se retournant juste une fois à mi-chemin pour le regarder encore, une dernière fois...

*Repose-toi bien mon amour...*

Lorsque Misuzu lui fit remarquer qu’elle portait le même nom que la fille de son enfance, Magnus réalisa uniquement à ce moment que ça avait été le but d’Harima. Donc, ce dernier était encore attaché à la fillette… Plus il y pensait, et plus le jeune homme se posait des questions, sur l’origine de leur relation, mais aussi sur son devenir.

*Serait-il possible qu’elle fût le Seigneur d’Harima ?*

Mais ce n’était sûrement pas le moment de penser à ça pour le moment, il aurait tout le temps voulu pour élucider ce mystère après tout. C’est pourquoi il s’arrête au milieu de la première salle et se retourna, pour attendre Hana, qui venait de faire ses adieux temporaires à son mari. Magnus se demandait par ailleurs comment elle avait pu prendre la nouvelle, mais il ne lui semblait pas que la Schiff ait mal réagi. Pourtant, il se souvint à ce moment précis qu’il avait omit un détail dans son histoire : Celui qui avait douté de la fidélité d’Hana –embrassée par Pablo- n’avait pas vraiment été Harima… En fait, ce fut Magnus qui s’interrogea sur la nature de la fiancée de son frère, et se demanda si elle était une garce. Pourtant, les récents évènements venaient de le rassurer quant à ce détail. Bah, ce n’était sans doute pas plus mal qu’ils le pensent tout deux, cela rajouterait au contraire du piment dans leur vie de couple !

S’apprêtant à sortir, le jeune homme se ravisa et se retourna pour parla à la jeune femme. Chose rare depuis leur rencontre, il posa les mains sur les oreilles de Misuzu pour que celle-ci ne puisse pas entendre ce qu’il allait dire, après tout, ses propos avaient déjà été assez choquants jusque là.

« Je dois t’avertir d’une chose… Tout ce que je t’ai dit, tu n’en dois en parler à personne.. Vous, vous êtes de rares exceptions, puisque je vous considère de la famille… Mais si même s’il est ton ami, je devrai attaquer ce Pablo, voir le tuer si le secret n’en est plus un… »

Le jeune homme craignait qu’Hana ne le juge de nouveau sur ces propos, mais il n’en pouvait rien… Sa phrase n’avait pas été plaisante à dire, mais mieux valait en parler avant de déclencher on ne sait quel problème. Après tout, Hana et Misuzu avaient eu droit à un traitement de faveur, mais les relations qu’entretenaient Magnus avec le monde extérieur étaient loin d’être pacifique, pour maintes raisons, dont la ‘mort’ de sa mère.
Ceci dit, il pressa tout de même l’interrupteur afin d’ouvrir la porte, mais ne s’y engagea pas… Non, avant, il désirait une réponse positive, ou négative…

« J’ai ta parole, Hana-nee… ne… san…. Hana-kun ? »

Décidemment, la façon de parler de Magnus variait réellement d’un individu à l’autre.

Hana rentra dans la pièce où se trouvait déjà sa fille et son futur beau-frère. Elle se sentait mieux de savoir que son futur mari était en vie mais ne pas avoir pu se blottir contre lui ou le serrer dans ses bras lui manquait quand même. Qu'importe, elle attendrait qu'il revienne, après tout il était en de bonnes mains.
Magnus s'apprêtait à sortir de la salle. Ca ne serait pas plus mal de prendre un peu l'air mais il se retourna avant même d'avoir ouvert la porte de fer. Il boucha même les oreilles de Misuzu qui poussa un petit ronchonnement pour exprimer son mécontement, elle qui était si curieuse.

« Je dois t’avertir d’une chose… Tout ce que je t’ai dit, tu n’en dois en parler à personne.. Vous, vous êtes de rares exceptions, puisque je vous considère de la famille… Mais si même s’il est ton ami, je devrai attaquer ce Pablo, voir le tuer si le secret n’en est plus un… »

Elle sentit comme un malaise la traverser... Mais après tout elle comprenait Magnus... Il cherchait juste à protéger un tel secret. C'était un récit assez privé, et elle pouvait déjà s'étonner qu'il le lui ait raconté sans qu'Harima ne soit là pour approuver. Enfin.. D'un autre côté elle n'avait pas trop envie d'imaginer comment elle se sentirait en ce moment si la vérité ne lui avait pas été révelée, sûrement aussi déboussolée et perdue qu'avant. Au moins elle savait exactement à quoi s'en tenir maintenant. Aussi lui répondit-elle avec un grand sourire, attendrie de s'être entendue acceptée dans la famille, car après tout quoi de mieux que la bénédiction de son beau-frère avant un mariage - qui risquait fort cependant d'être reporté - et attendrie aussi par le petit surnom qu'il venait de lui donner.

"Bien sûr, ..Magnus-kun, je n'ai pas de raisons de dévoiler quelque chose de ce genre. Mais.. Je peux le rassurer, simplement en affirmant qu'Harima-chan est vivant? Parce qu'il pense peut-être toujours que..."

Quoi qu'il en soit, elle se sentait soutenue par la présence de Magnus. Mis à part Harima et Misuzu qui était bien jeune encore pour être une confidente, elle ne se souvenait pas avoir jamais eu de la famille...