Le vent griffait leurs visages, les trempant de sel et d'écume de mer.
Haeldell sauta hors du canot pour attérir à mi-cuisse dans l'eau glacée de la mer. Elle lança un juron sonore en gaëlique puis se tourna vers les matelots encore installés à l'intérieur de l'embarcation.
- C'est bon, revenez au navire. Nos routes se séparent ici.
- Mais le Haut-Roi nous a demandé de veiller à votre sécurité...
Un soupçon de nostalgie menaça d'étreindre Haeldell à l'évocation de son ancien amant.
- La déesse Morrigane a-t-elle besoin de protection ? Si je ne suis que son incarnation, cela n'en est pas moins vrai pour moi. Retournez à votre navire et quittez ces côtes. Autrement, les Vikings se chargeront de vous rappeler qu'ils sont les maîtres des mers en vous coulant par le fond.
Elle se tourna vers ses deux gigantesques chiens qui arpentaient nerveusement le petit canot, faisant une peur de tous les diables aux pauvres marins.
- Cuchulainn et Setanta, à l'eau ! De suite !
Ils sautèrent à l'eau dans un gerbe d'éclaboussures et entreprirent de nager vers la grève.
Haeldell se tourna une dernière fois vers les marins.
- Ils seront ma protection. Ainsi que ça...
Elle montra sa lance acérée gravée d'obscures symboles parmi lesquels revenaient souvent le corbeau.
- Et cela...
Avant d'exhiber le glaive que lui avait offert son amant, gravé lui aussi d'entrelacs purement celtiques, et même à ce moment semblait vibrer d'une sourde puissance.
- Dites au Haut-Roi que je suis suffisament protégée et transmettez-lui tous mes voeux de chance et de bravoure ainsi que ce message : qu'il prenne femme et engendre un fils. Adieux.
Elle entreprit de s'avancer vers le rivage où l'attendaient ses deux chiens. L'eau de la mer était réellement froide, s'infiltrant dans ses hautes bottes de cuir et trempant ses braies. Elle tourna suffisament la tête pour observer du coin de l'oeil les marins ramer pour revenir à leur navire. Bien, songea-t-elle avec satisfaction.
Elle frissonna lorsqu'elle posa enfin le pied sur le sol de la Scandinavie au plus profond de cet hiver glacial. Pour la première fois de sa longue existence, elle revenait enfin dans la contrée qui avait le théâtre de si terribles événements. Événements qui avaient modelés sa vie et celles de tant d'autres Chiroptères !
Elle siffla ses chiens avant de s'enfoncer dans le pays, à la recherche d'un village quelconque. Plus tôt elle trouverait une trace d'un monstre des glaces survivant et plus tôt elle retrouverait sa mère et sa soeur. Et qui sait, peut-être son père ?